Le choix de la lecture d’un « prochain livre » représente toujours pour moi une expérience à elle seule, me guidant souvent sur la voie de l’introspection, de mes envies, de mes besoins et paresses. Parfois, je me mets au défi de choisir un livre ardu, difficile d’approche, intellectuellement challengeant. Parfois, je préfère m’assurer de pouvoir entrer sans difficulté dans un roman, de ne pas avoir à m’interroger sur l’histoire ou les personnages, les intrigues et les références. Entre La solitude initiatique et Tendre est la nuit, mes dernières lectures s’étaient révélées fastidieuses. Alors, venu le choix de mon prochain livre, je savais où aller, je savais quoi chercher : une lecture facile et simple, un roman français d’été et d’adulte.
Au pays de : « Fraîchement débarquée de son île bretonne à Antibes pour devenir la dame de compagnie de Gilonne, Kim est frappée par la complicité qui unit cette ancienne actrice à son fils unique. Aussi, quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle apprend que celui-ci aurait disparu des années plus tôt… Gilonne est-elle victime d’un imposteur ? Guidée par son désir de protéger celle qui pourrait être sa grand-mère, Kim va tenter de percer le secret de cette mystérieuse famille ».
Les sentiments
Les couleurs de la vie est un livre à découvrir dans un hall d’aéroport. En attente, au milieu d’une foule d’inconnus, pour sentir les embruns de l’île de Groix, mais aussi pour se fondre avec les possibilités infinies que nous réserve un voyage.
Lorraine Fouchet nous dépose sur le continent, terre connue, pourtant nous ne connaissons rien du trajet à venir. Elle nous parle de quête, nous fait vivre une enquête. Elle nous berce d’amour évident pour nous confronter à l’amour maternel, dramatique et extrême. Tout est paradoxal dans ce roman doux-amer où Kim, le personnage principal, traque les secrets d’une famille qui n’est pas la sienne, sans presque ne rien connaître de ses propres origines. Mais la trame fonctionne, l’avion décolle, les pages filent.
J’ai apprécié lire Les couleurs de la vie. L’intrigue n’est pas attendue et tous les personnages, ou presque, vivent en profondeur. Ils existent et s’expriment : leurs caractères sont habilement exposés.
L’auteure nous garde en l’air et provoque les sentiments des lecteurs à mesure qu’elle dévoile ceux de ses personnages. Je prends de la hauteur.
Le paradoxe
Mais en dépit du voyage, je reste en France et connais par cœur certains trajets empruntés. Alors que les personnages secondaires avancent sur des voies parallèles, alors que la construction du roman se révèle légère et bien pensée, je suis déçue du chemin que prend Kim. Ce qui était annoncé dans les premières pages comme une quête à caractère psychologique, sur la vie, la mort et la liberté de choix, s’évapore dès que l’auteure semble vouloir s’en approcher.
Lorraine Fouchet décrit si bien la difficulté de l’amour filial et l’imperfection de l’Homme. Elle perd néanmoins de sa profondeur lorsqu’il s’agit d’aborder l’amour homme-femme et l’histoire parallèle qu’elle a décidé de construire. J’ai regretté cette perte de perspective, transformant une histoire d’adultes en histoire adolescente. Est-ce de la pudeur ? Peut-être.
Je redescends.
Généreux en références contemporaines et intelligemment construit, Les couleurs de la vie m’a accompagnée et a rempli sa mission. Je l’ai lu vite et avec plaisir, j’ai voyagé sans trop y penser.
Et je suis arrivée à bon port.
Le tip : Ne cherchez pas les couleurs, il n’y en a pas.
L’itinéraire : Lorraine Fouchet, Les couleurs de la vie, Éditions Héloïse d’Ormesson, 2017. 398 pages.