Au pays de : « Parce que nos guerres ont changé. Parce qu’on a plutôt en mémoire des galères de couples que des souvenirs de batailles en rase campagne. Parce que l’odeur des sapinettes accrochées au rétro nous est plus familière que celle des bivouacs militaires. Parce qu’il est beaucoup plus dur d’aimer les gens que d’être fâché tout le temps. »
Dans L’art de la guerre 2, Sophie-Marie Larrouy (comédienne et auteure) revient sur les guerres modernes qu’elle a pu vivre. Ses multiples voix, d’enfant, d’adolescente et de jeune adulte s’expriment avec honnêteté réaliste et imagination littéraire. Elle parvient à être à la fois cette copine qu’on ne comprend pas trop, mais qui nous fait tant rire et cette jeune femme qu’on ne connaît pas, mais qui parle tellement bien de nous.
La nostalgie
Parce que c’est bien de nous dont il s’agit dans L’art de la guerre 2. De la génération « années 1980 », perdue dans son histoire et ses références, dans ses histoires et ses étiquettes.
Sophie-Marie Larrouy me replonge inexorablement dans mes souvenirs, ceux que je partage avec sœur, frère, cousins et amis. Ceux que je partage avec toute une génération, donc. La génération Walkman. La génération collège et piscine en hiver ; filles pudiques et un peu gourdes en EPS versus filles qui font de la gymnastique rythmique et synchronisée le mercredi après-midi. La génération des pistes cachées enregistrées sur cassettes audio.
Sophie-Marie Larrouy crée des instants de sa (nos) vie(s) un manuel à usage universel. Si, dans L’art de la guerre (l’original), Sun Tzu confie que celui-ci se trouve justement dans la duperie, dans ce deuxième tome auto proclamé, le génie apparaît a contrario. C’est la façon de ne pas s’inventer d’histoires qui est brillante.
L’art de la guerre 2 n’est pas un roman — comme sa référence millénaire tend à l’indiquer — mais une lecture à voix haute de nos pensées et nos doutes, de nos batailles et des meilleures stratégies pour s’en relever.
Sophie-Marie Larrouy m’a fait rire, sourire, éclater de rire. Et c’est au hasard et par surprise, nichée entre deux chapitres, que l’auteure m’a émue, aux larmes.
La vie
Pour survivre à la vie, il faudrait donc, peut-être, « Extraire le sensible » et « infiltrer le travail », « honorer les morts » et « frôler les vieux », « regarder derrière l’amour », « plier sa musette » pour « trouver sa maison ».
« Remballe[z] [vos] clarinettes » si l’oralité et les expressions régionales françaises n’entrent pas dans vos préférences de lecture, parce qu’elles sont bel et bien mises à l’honneur dans ce livre. Mais la délicatesse des analyses contrebalance volontiers la rusticité voulue du discours et Sophie-Marie Larrouy raconte avec humour, lucidité et tendresse la vie et ses passages souvent obligés, parfois nécessaires : les douleurs, les incompréhensions, les humiliations et tout autre instant de rage où la rébellion n’aura été qu’interne et à retardement.
J’envie l’impertinence de Sophie-Marie Larrouy. Je n’ai rien d’elle et j’ai pourtant tout d’elle. Proche et à mille lieux, c’est dans sa façon d’être à l’aise qu’elle peut parfois terrifier. Elle mélange les genres et les gens, analysant avec finesse et accent régional, toute une génération. C’est en nous lisant qu’elle nous lie.
L’art de la guerre 2 propose donc des clés à tous ceux qui tentent de comprendre cette génération perdue à trop avoir appris à espérer. Les réponses sont simples, et la conclusion pourrait provenir de Sun Tzu, lui-même : « […] Connais-toi toi-même […] ».
La phrase : « Moi, je crois plutôt que quand on travaille, on travaille à son bonheur, et si ça doit être une souffrance, bah c’est qu’on s’est trompé de bonheur. »
L’aveu : Certains idiomes relèvent encore du mystère…
L’itinéraire : Sophie-Marie Larrouy, L’art de la guerre 2, Éditions Flammarion, 2017. 224 pages.