Au pays de : « Signe de contradiction pour les Juifs, scandale pour les gentils, comment Nathan Zuckerman, l’écrivain sarcastique et lucide […] pourrait-il — malgré son succès — échapper à la vindicte et à l’opprobre des uns comme des autres ? Peut-être bien en imaginant, pour lui-même et ses personnages, une contrevie, une vie alternative à la fois nouvelle, imprévue et bizarrement réversible. »
Je ne connaissais rien de Roth. Peut-être était-ce mon tort ? Plus grand a été, sans doute, celui de vouloir à tout prix le lire cette année, année de sa disparition. Suivre la mode et ne pas passer à côté, animée, sans doute, par mon souvenir de la merveilleuse rencontre que j’avais faite avec l’écriture d’Anne Dufourmantelle, quelques mois après son décès.
La distance
Au commencement, je me fonds dans le texte. Curieuse, impatiente, avide de découvrir cet auteur dont je ne sais rien, je me heurte rapidement à lui, justement, à sa prose riche, ses réflexions poussées, et son texte, in-sens-é.
L’intérêt du livre me reste inconnu, tout comme les personnages qu’il présente se tiennent à distance de moi. Je ne m’attache pas, pourtant liée à l’histoire par ma volonté féroce de lire.
L’étonnement
Je poursuis, j’accroche, mais peine. Je lis, je lis, je lis. Déclic. Ce que je soupçonnais m’est confirmé par une courte recherche internet : dans La contrevie, Philip Roth varie sur le même thème et sur la même histoire. Doubles je et triples il, l’auteur semble jouer. Une des dimensions de son roman prend forme sous mes yeux, et sous mon nez, je me rends compte qu’il rit de moi.
Puis, je découvre la valeur des phrases et des soliloques de l’auteur qui prêche et contre-prêche sur de multiples sujets : la judéité, Israël, les extrêmes ; l’écriture, l’écriture de l’histoire et le rôle de l’écrivain ; la famille.
Il demande de moi une attention décuplée. M’enjoint à jouer l’intelligente, à tout comprendre. Passionnant…
Le scepticisme
Pour autant, ai-je envie de lire cela ? Ai-je envie de lire monologues éclairés sur monologues érudits ? Je tique autant sur l’exercice de style (mêmes personnages, mêmes contextes, mais situations différentes) que sur l’application dudit exercice. Mon inconfort persiste. Rien n’est inutile et cela m’épuise.
À corps perdu, je cours vers la fin, qui me laissera, d’ailleurs, plus d’interrogations que de soulagement.
Josiane Savygneau dit de Philip Roth, dans un article du journal Le Monde : « Si on a peur de l’ambiguïté, on déteste radicalement. Si on aime le jeu et le paradoxe, on aime inconditionnellement — ou presque — […] ».
J’en ai alors sûrement plus appris sur moi, que sur lui.
La phrase : « Lire les livres de son frère l’épuisait toujours, à la manière d’une discussion interminable avec un adversaire qui refuserait de céder le terrain. »
Le tip : Accrochez-vous ?
L’itinéraire : Philip Roth, La contrevie, Éditions Folio (Gallimard, 2014 pour la traduction française). 464 pages.