Au pays de : « À la veille de sa bar-mitsva, le fils de Jacob et Julia Bloch est soupçonné d’être l’auteur d’injures racistes, ce qui lui vaut son renvoi du lycée. Pendant ce temps, Julia trouve sur le téléphone de son mari une série de textos pornographiques. »
Comme le vaste monde, Me voici est dense, proche et lointain, cocasse et cruel. Il donne à comprendre et paradoxalement perd le lecteur dans les strates de la psychologie humaine. Il donne à réfléchir et ouvre des pistes de réflexion sur la judéité, l’appartenance, l’identité.
L’interrogation
Histoires héritées, poids du passé, devoir de mémoire et devoir d’avancer. Territoires, peuples et nations. Destinée.
Les thèmes historiques et actuels, religieux et identitaires me renvoient souvent à mon esprit — toujours — en formation, qui mériterait quelques mises à jour : des cartes du monde d’hier et d’aujourd’hui, des témoignages, des autobiographies, des lectures actuelles, des analyses, des histoires de vie et de pays.
Les thématiques, les lieux, le ton, parfois me font penser à Philip Roth. S’ajoute alors à la peine que j’ai à accrocher au début du roman, ma lecture encore très fraiche et assez sceptique de La contrevie…
Mais je lis Me voici, et, avec ce si mauvais jeu de mots, me voilà. Me voilà au centre du monde de la famille Bloch : entourée de trois enfants, dont l’aîné, en âge de célébrer sa bar-mitsva ; des parents, perdus face à l’étiolement de leur couple ; du grand-père Irv, extrémiste et de l’arrière-grand-père Isaac, rescapé des camps de concentration.
L’attachement
Il semble toujours difficile d’entrer dans une famille qui n’est pas la nôtre. Du mode de communication aux habitudes des repas, du langage des enfants aux mots sourds des parents, tout nous échappe. Mais Me voici est une immersion, ou n’est pas. Les immersions changent nos schèmes, nous aveuglent un temps. Le temps de s’habituer à une autre odeur, une autre lumière. D’intégrer les sons d’une maison. Réticents, on finit par lâcher prise, et s’attacher, peut-être ?
S’attacher n’est pas plus facile. Il faut s’attendre aux histoires cachées, aux meurtrissures inconnues, et aux combats inachevés.
Dans Me voici, il faudra assister à la chute d’Israël comme à la chute d’une famille juive américaine. Quelle identité ? Quel combat ? Quel « on » ?
Livre de famille puissant, Me voici est un livre sur la loyauté, l’histoire de famille. C’est l’histoire des murs érigés, qui s’écroulent ou demeurent, et des fantômes inconnus, qui jamais ne se dévoilent. C’est l’histoire d’identités, et de questionnements sur soi universels : comment être en vie, être dans la vie. Comment être présent, se présenter au monde et réussir à dire « Me voici ».
La phrase : « On ne garde que ce dont on refuse de se séparer »
Le tip : Prenez votre temps.
L’itinéraire : Jonathan Safran Foer (traducteur : Stéphane Roques), Me voici, Éditions de l’Olivier, 2016 (2017 en langue française). 750 pages.