Au pays de : « En vérité, l’insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n’a été que seconde. Car avant de m’insurger contre le monde de mon enfance, c’est le monde de mon enfance qui s’est insurgé contre moi. Je n’ai pas eu d’autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre ». Édouard Louis.
D’En finir avec Eddy Bellegueule, je n’ai le souvenir que de critiques positives. J’ai lu « roman coup de poing », « acceptation de soi », « sociologie », « cri du cœur ». Je n’ai rien vu de tout cela. Ni coup de poing, ni acceptation, ni lecture ou relecture sociologique. Encore moins un cri du cœur.
L’étonnement
Dès les premières lignes, je ressens cet inconfort provoqué par une écriture qui ne sonne pas à mes yeux, pas plus qu’à mes oreilles. L’écriture d’Édouard Louis, cette « première écriture » publique, puisque premier roman, ne me dérange pas, mais elle gratte un peu. Elle m’interdit de trouver un point d’accroche et laisse, dans son sillage, l’impression d’une fausse candeur d’écrivain. C’est l’écriture d’un enfant qui a grandi, et qui voudrait retrouver, le temps de régler quelques comptes, son soi d’avant. Oui, mais ça ne colle pas.
Tout me semble bancal dans ce récit violent et cru, pourtant tout sourire.
L’ambiguïté
Roman, autofiction, roman autobiographique, peu importe sans doute la dénomination, pourvu qu’on ait le contenu. Oui, mais… Oui, mais quand c’est justement cette lecture sociologique qui a été utilisée pour vendre ce roman, peu n’importe pas.
Cohérence, cohésion, objectifs, visées, visions. Je suis perdue. Dénoncer un système ? Humilier une classe ? Raconter l’homophobie ? Le prolétariat ? La violence ? L’ignorance ? Oui, mais pourquoi ?
Édouard Louis donne à voir, au mieux, en odeur et en détail. Il dégrade, il raconte, mais oublie, alors même qu’En finir avec Eddy Bellegueule serait « une tentative pour comprendre », de proposer des clés de lecture. Édouard Louis met sur la table son enfance, la sienne, celle d’un autre imaginé, imaginaire, inspiré ; mais oublie d’allumer la lumière et de proposer les moyens d’élever un discours. Que des comment portés par du mépris, sans aucun pourquoi.
Je reste sceptique, consciente que je critique moins le récit que la façon dont il a été repris. J’ai hâte donc de lire, encore, Édouard Louis pour côtoyer l’ivresse, plutôt que le flacon.
La phrase : « Pourtant j’ignorais moi aussi les causes de ce que j’étais. »
L’itinéraire : Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, Éditions Point (Éditions du Seuil, 2014). 216 pages.