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Contours du jour qui vient, Léonora Miano


Photo "Contours du jour qui vient" de Léonora Miano (1)

Au pays de : « Pays d’Afrique équatoriale, le Mboasu se relève péniblement d’une sanglante guerre civile. Dans les quartiers mal famés de Sombé, la capitale, quadrillés par des bandes de rebelles reconvertis en trafiquants, prévalent désormais le chacun pour soi et la superstition… C’est ainsi que Musango, à peine âgée de neuf ans, est rejetée et abandonnée par sa mère qui l’accuse de porter malheur. Seule, sans famille ni ressources, la petite fille est d’abord recueillie, puis vendue comme esclave. Malgré les épreuves et les périls, elle s’accroche pourtant, lucide et tenace, à un unique espoir : retrouver sa mère et solder le passé pour, enfin, songer à envisager l’avenir. »

L’Afrique

C’est l’Afrique. Cru, violent, coloré, poussiéreux. Mon ignorance est telle sur ses pays que je redoute systématiquement d’écrire sur les livres qui naissent de ce continent… Parce qu’il y a de la douleur et de la terre, des espérances et un soleil brûlant, des croyances aveugles, des désespoirs si terri

bles que je ne saurais placer mes mots pour parler avec justesse de ce que je ne connais pas.

Mon ignorance me rappelle seulement l’Afrique que j’ai lue ailleurs : Bakhita et Véronique Olmi, Americanah et Chimamanda Ngozi Adichie, Les pêcheurs et Chigozie Obioma ; la pauvreté des pays imaginaires, et des îles aussi : Ce que je sais de Véra Candida de Véronique Ovaldé, L’authentique Pearline Portious de Kei Miller.

« Chacun son destin. Ils prendront eux aussi la route du désert pour suivre comme ils pourront, le tracé de leur ligne de vie. Ils oublieront que leur ligne était dans leur main, et qu’elle n’indiquait pas la fuite. »

Alors je commence ma lecture, consciente que je réduis l’Afrique à si peu et à tant de clichés à la fois que je ne sais à quoi m’attendre, redoutant d’y trouver, par raccourci d’ignorance, les mêmes histoires battues, les mêmes voix cassées et les mêmes enfants perdus. Pourtant, j’entre vite, rapidement, dans Contours du jour qui vient.

Et malgré mes craintes persistantes, dès que je pose ce livre, j’y reviens. Je retrouve les pages d’enfance et d’innocence de Léonora Miano, comme aimantée.

Est-ce Musango qui me tient par le fil de son histoire ?

Photo "Contours du jour qui vient" de Léonora Miano (2)

La voix

« Au fond de nous, il n’y a plus que la voix caverneuse d’un dieu de désamour et l’image irréelle d’une Europe à faire. Les baobabs et les flamboyants nous regardent et leur tronc se dessèche, se creuse de l’intérieur. S’ils pouvaient nous parler, ils nous diraient que notre plus grande faute, le blasphème perpétuel que nous commettons, réside dans cette incapacité à nous envisager nous-même. »

Je crois qu’elle me tient surtout par le fil de sa voix. Neuf ans, mais peu importe. Le langage de Musango, c’est la sagesse et la beauté d’une voix qui pleut sur la terre sèche et arrose les pousses désormais imaginaires d’une luminosité et d’un soleil purs. Malgré les nuages, malgré la pluie, malgré tout, en somme : sa voix perce parce qu’elle le doit, et brille, parce qu’il n’y a plus que ça.

Elle est forte Musango, elle marche pieds nus dans la vase gluante qui empêche de glisser, la tête haute, le cœur lourd d’un serment personnel, elle marche. Et c’est parce qu’elle marche qu’elle vit. Et parce qu’elle pense qu’elle avance. En quête, elle visite l’Afrique et ses cases pour offrir à celle qui a toujours refusé de donner. Elle est forte, Musango, elle sait qu’aucun jour ne peut commencer sans qu’on ait avant, pu fermer les yeux sur le couchant.

Contours du jour qui vient poétise les drames d’une Afrique violentée, recluse dans des religions transformées, ignorante parce qu’ignorée et riche surtout des richesses qu’on lui a volées. Comme l’Afrique des rêveurs, Contours du jour qui vient pose la voix de la résilience, de la force et de l’envie d’y croire. Musango croit au combat, et exige le droit de vivre.

Son message est pacifique. Il n’est pas timide, mais sage. Juste, comme Musango, il a trouvé sa place.

La phrase : « C’est de vivre pour rien qu’ils mourront un jour prochain et que le monde n’en aura rien à faire. Telle est cette terre première, le fameux berceau de l’humanité : elle n’engendre plus que des faits divers. »

L’itinéraire : Léonora Miano, Contours du jour qui vient, Ed. Pocket (Plon, 2006). 256 pages.

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